Certains auteurs n'ont pas eu la chance de connaitre la notoriété de leur vivant, Charles Frédérick Maien a tout fait pour s'y soustraire. A tel point que lorsqu'il meurt à 94 ans, aucun de ses enfants, ni petits-enfants, n'a jamais eu vent de l'activité d'écrivain que cet ancien professeur de physique a menée tout au long de sa vie, dans le plus grand secret.
Né en 1883, Charles Frédérick Maien est le second enfant d'une famille de propriétaires terriens sur le déclin qui possède un domaine à la frontière franco-luxembourgeoise. Un frère aîné, qu'il n'a jamais connu, a été tué pendant la guerre franco-prussienne de 1870 et une sœur cadette, née en 1888, meurt un an plus tard, vraisemblablement de la scarlatine. Le petit « Fritz », comme le surnomment ses parents et tous les ouvriers agricoles, mène donc une enfance solitaire, retranchée derrière les austères murailles de la demeure familiale et égaillée seulement par de longues promenades dans la campagne alentour.
Il fait son premier apprentissage auprès d'un précepteur qui l'initie à la poésie parnassienne et romantique (les œuvres de Leconte De Lisle, notamment les Poèmes barbares, et celles de Lamartine, resteront toujours pour lui une source intarissable d'inspiration) et aux sciences physiques. Son intérêt pour celles-ci est telle que ses parents acceptent de lui aménager un petit laboratoire, dans une vieille grange de la propriété. Fasciné par la lecture du Frankenstein de Mary Shelley, Maien y mène différentes expériences sur l'électricité (plus modestes que celles du célèbre baron), dont il rédige les comptes-rendus dans des fascicules abondamment illustrés par ses soins et distribués chaque Noël aux membres de la famille.
En 1899, Maien part pour Bruxelles poursuivre ses études dans un lycée privé et se lie rapidement d'amitié avec un camarade d'internat, Hugo Gernsbach. Passionné comme lui par les sciences et la spéculation scientifique, le jeune Luxembourgeois a déjà à son actif plusieurs prouesses techniques. A douze ans, grâce aux lectures de brochures commandées à Paris, il est parvenu à équiper la maison de ses parents, viticulteurs à Bonnevoie près de Luxembourg-Ville, d'un système d'interphones avec voyants lumineux. Exploit qu'il renouvelle auprès de voisins, impressionnés par son savoir-faire. Un an plus tard, un couvent des environs lui commande l'installation d'un système de sonnerie. Malheureusement, Gernsbach vient de fêter ses treize ans, l'âge de la puberté, et le couvent ne peut accepter un homme dans son enceinte. Il doit donc attendre une dispense du Pape lui-même, réclamée par son employeur, pour terminer son travail.
Les deux amis mettent rapidement en place un club scientifique : Les fils de Stéropès (d'après le nom du Cyclope, associé à l'éclair, qui contribua à la fabrication du foudre de Zeus). Le sérieux et la qualité de leurs travaux font rapidement des adeptes parmi leurs camarades et reçoivent le soutien de nombreux professeurs, jusqu'à ce qu'un fâcheux accident ne vienne y mettre un terme.
Quelques années plus tôt, l'existence de Gernsbach avait été bouleversée par la découverte du livre Mars (1895), écrit par l'astronome américain Percival Lowell, défenseur de la théorie des canaux martiens et qui consacra une grande partie de sa vie à l'étude de la planète rouge. L'ouvrage plongea le scientifique en herbe dans un état de transe qui dura deux jours, pendant lesquels il fantasma sur les prodiges d'une hypothétique technologie extra-terrestre aux possibilités infinies.
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Hugo Gernsback |
Gernsbach initie Maien aux idées de l'astronome qui y trouve, lui aussi, de quoi alimenter son imagination bouillonnante. Après avoir rédigé une brochure dans laquelle ils énumèrent toutes les merveilles techniques qu'ils supposent cachés au coeur des canaux martiens, les fils de Stéropès décident de fabriquer un émetteur-récepteur qui leur permettrait d'entrer en communication avec leurs homologues de l'autre monde. Malheureusement une erreur de branchements et l'utilisation d'une batterie bien trop puissante pour leur modeste installation déclenchent un incendie qui provoque d'importants dommages dans le grenier de l'établissement et détruit une partie de la toiture. Maien et Gernsbach passent devant un conseil de discipline. Leur club est interdit et le Luxembourgeois, qui a déjà décidé de partir poursuivre ses études à l'université de Bingen en Allemagne, endosse l'entière responsabilité de la catastrophe.
Maien reste seul à Bruxelles, mais garde le contact avec son ami, par le biais d'une importante correspondance et des visites régulières en Allemagne. Pendant les trois années qui suivent, Gernsbach consacre une grande partie de son énergie à perfectionner un prototype de radio-transmetteur portatif, inspiré de celui qu'ils avaient conçu avec Maien, tandis que ce dernier se lance dans l'écriture d'un roman d' « anticipation-stellaire » (on ne parlait pas encore de space opera). Remanié à maintes reprises, le roman deviendra le premier opus de son cycle Zama.
En 1904, Gernsbach a mis au point un modèle de pile sèche, avec lequel il compte bien faire fortune aux Etats-Unis. Il convainc son ami de le suivre dans cette nouvelle aventure. Les deux hommes, Gernsbach, avec les plans de fabrication de sa pile sous le bras et Maien, avec le manuscrit inachevé de son roman, s'embarquent pour Hoboken, New Jersey.
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Charles F. Maien, 1903 |
En 1904, Gernsbach a mis au point un modèle de pile sèche, avec lequel il compte bien faire fortune aux Etats-Unis. Il convainc son ami de le suivre dans cette nouvelle aventure. Les deux hommes, Gernsbach, avec les plans de fabrication de sa pile sous le bras et Maien, avec le manuscrit inachevé de son roman, s'embarquent pour Hoboken, New Jersey.
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