dimanche 20 novembre 2011

Charles F. Maien : notoriété posthume d'un génie inconnu (Part.3)

Durant l'été 1904, Hugo Gernsbach, dont le brevet pour la pile sèche n'a toujours pas été délivré, se lance dans une nouveau projet : la commercialisation de sa radio portative. Ne trouvant pas les pièces dont il a besoin en Amérique, il doit les importer d'Allemagne. Le jeune chef d'entreprise ayant déjà touché une avance confortable sur de futures commandes et les pièces ne devant pas arriver d'Europe avant plusieurs semaines, il propose à Charles F. Maien de les accompagner, lui et sa fiancée Rose Harvey, pour de petites vacances en Nouvelle-Angleterre. 

Depuis le mois de mai, l'accueil réservé à la nouvelle Les Généraux s'avère plutôt bon, à en juger par le courrier des lecteurs d'Electric Stories. Un petit éditeur de Brooklyn, Red Books, se dit prêt à publier La dernière bataille, à condition que l'auteur accepte d'y apporter quelques modifications et d'y ajouter une cinquantaine de pages. A nouveau, Maien est déchiré entre le désir de voir son travail livré à l'appréciation du public et sa volonté de ne pas soumettre sa création au diktat d'un éditeur. Son état d'hésitation est tel qu'une dispute a éclaté, début juin, avec Gernsbach qui a taxé son attitude de « snobisme déplacé ». Maien accepte finalement l'opportunité offerte par son ami de voir du pays et surtout de prendre un peu de distance avec New York et les soucis qui lui sont liés. 

Les trois voyageurs prennent le train pour Boston le 06 juillet. Gernsbach, dont un « k » vient progressivement remplacer le « h » final et le supplantera définitivement quand Gernsback adoptera la nationalité américaine quelques années plus tard, a loué deux chambres dans un hôtel cossu de Liberty Square. Si, dans un premier temps, l'ambiance paraît joyeuse et détendue, le journal de Maien laisse rapidement entrevoir un profonde exaspération vis-à-vis de son ami, à qui il reproche une propension à se mettre constamment en valeur auprès des personnes qu'ils rencontrent, et de centrer la plupart de leurs discussions sur ses projets commerciaux. De fait, ce qui devait constituer un plaisant voyage de découverte pour de jeunes Européens ne connaissant de l'Amérique que les rues de New York, se révèle être une pénible campagne de prospection, menée par Gernsback, pour décrocher de nouveaux contrats. 

Lorsque le trio arrive à Providence le 13 juillet, la tension est à son comble. Maien et Rose Harvey, dont les rapports n'ont finalement jamais dépassé le cadre de la simple courtoisie, ne s'adressent plus la parole. Gernsback, que la visite des vieux quartiers de la ville, à l'ombre des maisons victoriennes, ne motive guère, passe le plus clair de son temps à l'hôtel, en communication avec son bureau de New York pour suivre l'acheminement, depuis l'Allemagne, des pièces pour ses radios. 

Le soir du 15 juillet, après un repas un peu trop arrosé au Crawford's Restaurant, une violente dispute éclate. Maien reproche à Gernsback son égocentrisme grandissant et son obsession pour l'argent qui est venue balayer toutes ses aspirations à imaginer "le monde de demain". Blessé par ces attaques, Gernsback essaye malgré tout de se justifier et de s'excuser. Il explique à son ami que si son projet l'accapare autant, c'est parce qu'il incarne précisément la volonté initiale qui les animait, lorsqu'ils étaient étudiants à Bruxelles, d'améliorer le monde, grâce à des innovations techniques. Maien, ivre et aigri, ne veut rien entendre et revient à la charge. Exaspéré, Gernsback lui demande si c'est par ses écrits d'une incroyable qualité, mais que son ego démesuré l'empêchera toujours de publier, qu'il compte changer les choses. Maien quitte le restaurant et part déambuler dans les rues de Providence, faisant escale dans plusieurs bars, avant de s'effondrer devant les grilles du vénérable Christchurch Cemetery.     

Le lendemain, Maien se réveille dans sa chambre, avec une migraine monumentale. Gernsback vient le trouver. Il ne fait aucunement mention de la dispute de la veille et précise simplement que lui et Rose l'ont trouvé endormi sur le trottoir qui borde le cimetière et l'ont ramené à l'hôtel. Il explique ensuite que ses pièces sont enfin arrivées et qu'il doit retourner sans délai à New York. Maien préfère rester quelques temps pour visiter la région. Le 17 juillet, il ne se rend pas à la gare pour saluer le départ de son ami et de Rose Harvey. Charles F. Maien a déjà pris un bus qui doit le conduire, vers le Sud, à la petite ville portuaire de Kingsport.    
   
Sunrise from Bluff Road, Kingsport (1908)
 

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