vendredi 18 novembre 2011

Charles F. Maien : notoriété posthume d'un génie inconnu (Part.2)

Arrivés à Hoboken, Maien et Gernsbach franchissent l'Hudson et atteignent enfin l'île de Manhattan. Ils louent une petite chambre dans un hôtel de la 86ème rue. Gernsbach, qui maîtrise parfaitement l'anglais et commence à américaniser son nom en Huck Gernsbacher (clin d'œil au Huckleberry Finn de Mark Twain), cherche rapidement à nouer des contacts, afin d'obtenir un brevet pour son invention. Maien se retrouve livré à lui-même. Il tient un journal et passe le plus clair de son temps à se promener dans les rues de New York qui exercent sur lui une profonde fascination. 


« Cette concentration de bâtiments aux dimensions cyclopéennes, derniers totems dressés aux dieux de la Modernité, éveille en moi un sentiment partagé d'angoisses profondes et d'exaltation, renouvelé à chaque coin de rue. L'Orient antique fit surgir Babylone et Jérusalem des sables du désert. Des marécages lénapes, l'Amérique a enfanté New York. »
  Journal de Charles Maien, 26 février 1904

Trouvant lentement ses marques, Maien décide de reprendre l'écriture de son manuscrit. En avril 1904, il soumet son travail à l'éditeur du magazine Electric Stories, qu'il a rencontré par l'intermédiaire de Gernsbach. Spécialisé dans la publication d'articles de vulgarisation scientifique, cet ancêtre des pulps accepte dans ses pages quelques nouvelles de fiction, pour peu qu'elles aient un certain rapport avec le domaine scientifique, afin de toucher un lectorat plus large. Le bref roman de Maien, intitulé La dernière bataille, impressionne fortement l'éditeur. 

Il s'agit d'une transposition de la bataille de Zama, qui vit s'affronter armées romaines et carthaginoises durant la deuxième guerre punique, sur la planète Sil'ana, dont le caractère désertique n'est pas sans rappeler celui de Mars ... Maien ne raconte que le siège par les forces de l'empire roon, de Zama, capitale du peuple Karth. Cependant, il le fait avec un luxe de détails d'un réalisme incroyable, une grande inventivité dans la description des machines de guerre et de la flotte interstellaire ennemie, mais surtout avec un réelle profondeur narrative. Ainsi, les chapitres proposent-ils successivement le point de vue d'Habal, général karth et défenseur de Zama, puis de son adversaire, le général roon Skipio. La description de leurs sentiments respectifs, l'un face à une défaite inéluctable, l'autre face à une victoire sanglante, sans jamais sombrer dans le manichéisme, rend les deux personnages également attachants et leurs motivations tout aussi légitimes.          

S'il est convaincu par la qualité du manuscrit de Maien, l'éditeur d'Electric Stories ne peut malheureusement le publier en l'état. La dernière bataille est trop long pour entrer dans la catégorie des nouvelles, trop court pour être considéré comme un roman. Maien se voit alors proposer une publication en épisodes, à raison d'un par semaine. Il refuse catégoriquement. Gernsbach intervient auprès de son ami pour qu'il réexamine la proposition du magazine. En vain. Maien lui explique que son histoire forme un tout cohérent, qui doit être abordé comme tel : "... la découper en épisodes n'aurait pas plus de sens, à mes yeux, que de proposer la lecture d'un sonnet dont on couperait les vers, artificiellement et motivé par le seul soucis de rentabilité, après la 3ème syllabe du second quatrain. Chaque partie appelle la suivante et fait écho à celle qui la précède." (in Journal, 11 avril 1904). Le magazine est sur le point de jeter l'éponge, lorsque Maien se présente avec une autre suggestion. Aucun accord n'étant possible pour la publication de La dernière bataille, le jeune homme se dit prêt à écrire une nouvelle qui se déroulerait après la bataille de Zama et qui opposerait Habal et Skipio, derniers survivants du siège, luttant l'un contre l'autre, comme champions de leurs peuples respectifs. L'éditeur accepte. Le lendemain, Maien revient dans les bureaux d'Electric Stories avec la nouvelle intitulée Les Généraux. Elle paraît dans le numéro du 05 mai 1904, sous le pseudonyme de Fritz Mayhem. Il s'agit de l'unique publication faite par Charles Frédérick Maien de son vivant.     

     

3 commentaires:

  1. Merci pour ton soutien, mais faudra attendre demain. Ca m'a pris la journée pour mettre en forme les 2 parties de la bio. Ce soir c'est croque-monsieur et basta !

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  2. ne penses tu pas que Dan Simmons c' est un peu inspiré de cette transposition pour son Ilium

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